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Mercredi 17 mai 2006
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SIERRA LEONE: Innover pour combattre le sida dans l’armée


[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]



©  Victoria Averill/IRIN

Les militaires intelligents utilisent des préservatifs, affirme l’affiche.

FREETOWN, 26 avril (PLUSNEWS) - «Va te faire dépister au VIH/SIDA, il faut que tu connaisses ton statut», scandent en rythme les trois chanteurs amateurs, des militaires de l’armée sierra-léonaise, face à un public en treillis surchauffé.

Les choristes, habillés de pyjama de satin violet, encouragent la salle, sur une scène décorée d’affiches publicitaires pour des préservatifs : pour le dernier concert «Combat Ready» («Prêts au combat»), après un mois de tournée et de sensibilisation sur le virus, les militaires musiciens s’en donnent à cœur joie.

Le capitaine Penn-Timinity, dans l’armée depuis 14 ans, est l’un d’eux. Pour lui, ce genre de concert permet de briser le silence au sein de la ‘grande muette’.

«J’ai vu les dégâts du VIH/SIDA au quotidien, j’ai vu comment le virus tuait des commandants et des soldats», a-t-il dit. «De nombreux soldats sont morts durant la guerre civile, nous devons faire tout notre possible pour freiner la pandémie».

D’après les résultats d’une enquête menée en 2005, ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest, marqué par une décennie de guerre civile, affiche un taux de séroprévalence de 1,5 pour cent.

Aucune information n’est disponible concernant le taux d’infection au sein de l’armée, mais il est généralement admis qu’il serait trois à cinq fois supérieur à la moyenne nationale, a rappelé le docteur James Samba, président du comité VIH/SIDA des forces armées.

En 1995, au plus fort de la guerre civile, le docteur Samba, qui exerce à l’hôpital militaire Wilberforce de Freetown, avait noté qu’un nombre alarmant de soldats hospitalisés présentaient des symptômes tels que diarrhée, perte de poids et fièvre.

Depuis, le médecin s’est mis à suspecter des cas de VIH/SIDA, avec raison. «Les résultats d’une étude effectuée parmi les soldats hospitalisés ont révélé que 80 pour cent des malades étaient séropositifs», a-t-il indiqué à PlusNews.

Entre les forces de maintien de la paix -17 500 casques bleus déployés à la fin de la guerre-, les membres de l’armée régulière, les forces de défense civile et les anciens rebelles du Front révolutionnaire uni (Ruf), des milliers d’hommes en uniforme ont vécu en Sierra Leone, un pays où le viol massif a été utilisé comme arme de guerre par les factions combattantes.

Lutter contre la stigmatisation des militaires infectés au VIH

Les soldats représentent un groupe à haut risque face au VIH, a rappelé le docteur Leopold Zekeng, coordinateur du Programme commun des Nations unies contre le sida (Onusida) en Sierra Leone.

«Ils sont pour la plupart jeunes, sexuellement actifs et ont des comportements à risques. Ils sont payés régulièrement et, dans un pays comme la Sierra Leone, cela compte beaucoup aux yeux des femmes : les soldats les attirent», a-t-il expliqué.

Mais avec un peu d’imagination, de gros efforts d’information, une bonne prise en charge des soldats et le soutien de leurs épouses, l’armée de Sierra Leone enregistre déjà des succès certains dans la lutte contre le sida.

En 2002, lorsque l’armée a décidé de s’attaquer au problème, les campagnes visaient d’abord à faire accepter l’existence du VIH. Quatre ans plus tard, le message commence enfin à passer, a constaté Abdul-Rahman Sessay, responsable de la coordination des ministères au sein du Secrétariat national de lutte contre le sida.

Désormais, une cinquantaine de conseillers formés, d’infirmiers et de médecins spécialisés et de pairs éducateurs dispose des moyens nécessaires pour informer les soldats.

«Plus de 90 pour cent des soldats savent désormais que la maladie existe et [la campagne] a permis de faire diminuer progressivement la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Les forces armées ... font preuve d’une plus grande tolérance», a estimé M. Sessay.

L’armée est le premier service public de Sierra Leone à avoir mis en place une politique de lutte contre le VIH/SIDA sur le lieu de travail.

Grâce à cette politique, aucun soldat ne peut être démis de ses fonctions en raison de sa séropositivité. Les médicaments antirétroviraux (ARV), qui prolongent l’espérance de vie, sont distribués gratuitement grâce à des subventions de la Banque mondiale et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Selon les responsables militaires, cette politique a encouragé les personnels militaires à venir se faire dépister sans craindre d’être exclu des rangs de l’armée.

«Certains soldats ont été transférés vers différents postes ou différents endroits afin d’avoir accès à un meilleur traitement, mais aucun d’entre eux n’a perdu son travail à cause de sa séropositivité», s’est félicité le docteur Samba.

Une prise en charge pour les militaires infectés et leurs familles

Au centre de conseil et de dépistage volontaire (CDV) de la caserne de Wilberforce, le major Nellie Forde montre à une nouvelle recrue comment utiliser un préservatif. Le soldat est venu de lui-même chercher des informations avant de partir pour une formation, a-t-elle expliqué.

«Lorsque le centre a ouvert ses portes, les gens avaient peur de venir», s’est-elle souvenue.
«Désormais, environ cinq personnes viennent chaque jour juste pour poser des questions, pour regarder les programmes sur le VIH/SIDA à la télévision ou pour se faire dépister.»

Le CDV propose également des tests de dépistage aux membres de la communauté voisine, une initiative qui permet d’améliorer les relations entre les militaires et les populations civiles.

Pour permettre aux soldats d’accéder au dépistage dans les régions les plus reculées du pays, trois autres CDV devraient ouvrir leurs portes dans les villes de Bo, de Makeni et de Kenena.

Du coup, une association de personnes vivant avec le VIH/SIDA a vu le jour qui rassemble, en catimini, les 26 soldats séropositifs de la caserne de Wilberforce et leurs familles. La réunion hebdomadaire se tient toujours à huis-clos, a souligné le major Forde.

«Tout se passe encore dans la discrétion, personne ne révèle ouvertement son statut», a-t-elle reconnu. «Mais au sein de l’association, nous avons quelques histoires couronnées de succès. Par exemple, un enfant de deux ans né d’une mère séropositive est en bonne santé et les 17 soldats séropositifs sous traitement ARV ont vu leur état de santé s’améliorer.»

Les épouses des militaires font passer les messages

Pour garantir le succès des campagnes de sensibilisation, les forces armées ont peu à peu réalisé que les épouses de soldats pouvaient être des soutiens de poids.

«Lorsque nous avons commencé à organiser des spectacles ambulants, les femmes refusaient que les hommes prennent les préservatifs que nous distribuions», a raconté le docteur Samba. «Elles disaient que cela ouvrait la voie à [l’infidélité]. Nous avons donc décidé d’intégrer ces femmes dans nos programmes et nous les avons formées.»

Sarah Conteh est responsable de ‘Mammy Queen’ dans la caserne de Wilberforce qui abrite plus de 2 000 soldats et leur famille. Elue représentante des épouses de soldats, elle a reçu une formation afin de pouvoir informer son entourage sur le VIH/SIDA.

«Les gens pensent qu’ils peuvent venir vers moi et parler de leurs problèmes. Par conséquent, je peux moi aussi aller vers eux, les sensibiliser et les encourager à utiliser des préservatifs et à être fidèles», a-t-elle expliqué depuis son domicile exigu de la caserne.

Mme Conteh a précisé que son rôle consistait aussi à faire la promotion du préservatif, afin que les soldats et leurs épouses se protègent.

«En règle générale, je fais des démonstrations aux femmes et je leur montre comment utiliser un préservatif féminin. Je fais de même avec les hommes. Les stocks de préservatifs s’épuisent : de toute évidence les gens se protègent», s’est-elle réjouie.

Cette méthode novatrice a été saluée par les partenaires internationaux du pays.

«Les forces armées ont compris qu’il y avait un problème et elles ont essayé de le résoudre», s’est félicité le docteur Zekeng de l’Onusida, précisant que le problème était pourtant loin d’être réglé compte tenu de la forte promiscuité sexuelle, d’un taux d’illettrisme élevé, de la faible utilisation du préservatif et des connaissances limitées sur le virus.

Selon le docteur Samba, un réel progrès aura été accompli une fois que tous les soldats connaîtront leur statut sérologique. Mais, a-t-il dit, «nous n’avons pas atteint le stade où nous pouvons ordonner à tout le monde de se faire dépister».

[FIN]




 
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