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Mercredi 28 décembre 2005
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RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE: Le calvaire des victimes de viol continue


[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]



©  Joseph Benamse/IRIN

Femmes et hommes violés par les rebelles congolais

BANGUI, 24 août (PLUSNEWS) - Près de cinq ans après la guerre civile en République Centrafricaine (RCA), conflit au cours duquel les rebelles congolais ont fait du viol une arme psychologique contre la population, les victimes et la nation toute entière traînent encore les séquelles de ces actes barbares qui augmentent les risques de propagation du VIH/SIDA.

Malgré leur souffrance, les victimes et les témoins de viol parlent ouvertement de leur traumatisme. Bernadette Sayo, professeur dans un établissement secondaire, est l’une de ces victimes. En 2002, les rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) ont tué son mari sous ses yeux et l’ont ensuite violée.

Pour renforcer son gouvernement et faire face aux menaces de déstabilisation du pouvoir par André Kolingba, instigateur de la tentative avortée du coup d’Etat sanglant du 28 mai 2001, le président Ange-Félix Patassé avait fait appel au MLC de Jean-Pierre Bemba.

Pris d'une crise de folie meurtrière, les miliciens de Jean-Pierre Bemba avaient tué des hommes et violé des femmes à Ouango, un quartier Est de la capitale où vivaient M. Kolingba et des membres de son ethnie yakoma.

La situation s’était aggravée en octobre 2002, lorsque des rebelles, menés par François Bozizé, le chef d'état-major de l'armée à l’époque et l’actuel président de la République centrafricaine, avaient vaincu la garde présidentielle et pris le pouvoir quelques mois plus tard.

Jean-Pierre Bemba avait de nouveau prêté main forte à Ange-Félix Patassé et les miliciens du MLC, profitant de la situation chaotique qui régnait dans le pays, avaient violé des femmes et sodomisé des hommes des quartiers Nord de Bangui, un bastion de M. Bozizé. Ces actes barbares, Mme Sayo n’est pas prête de les oublier.

« Ce n'est pas facile en tant que femme d'oublier un tel choc. Je garde toujours en mémoire des souvenirs de ces actes barbares. Malgré les efforts que je ne cesse de faire pour en parler afin de me libérer, il y a quelque chose en moi qui me gêne », a-t-elle confié.

Selon ONUSIDA, le programme commun des Nations unies sur le sida, le taux de prévalence de la maladie en Centrafrique était de 13,5 pour cent à la fin de l’année 2003. Quelques 260 000 personnes vivaient alors avec le virus et 240 000 avaient entre 15 et 49 ans, dont 130 000 étaient des femmes.

Le premier cas de VIH/SIDA signalé en RCA remonte à 1984. Fin 2003, la RCA était le 11e pays au monde le plus touché par le virus et le premier pays en Afrique Centrale, selon la Cellule presse écrite pour la lutte contre le Sida (CPELS). L’organisme souligne également que le virus touche cinq fois plus de femmes âgées entre 15 et 24 ans que d’hommes appartenant à cette même tranche d’âge.

Des jeunes enfants âgés de six à quinze ans, des femmes mariées, des femmes de 60 ans et plus, personne n’a été épargné par ces atrocités. De nombreuses femmes mariées sont désormais contraintes de divorcer, certaines ayant contracté le virus du VIH/SIDA et d’autres étant tombées enceintes.

L’ONG fondée et présidée par Mme Sayo, l’OCODEFAD (Organisation pour la Compassion et le Développement des Familles en Détresse) a enregistré 800 cas de viols et seize naissances résultant de ces viols.

Selon Mme Sayo, l’OCODEFAD est la seule organisation du pays à s’occuper des victimes du putsch d’André Kolingba. L’ONG a pour but d’engager des poursuites judiciaires contre les violeurs et leurs complices, de créer des activités lucratives en faveur des victimes et de défendre la dignité des femmes.

L’OCODEFAD a également recensé 140 cas d’hommes sodomisés ou contraints à avoir des relations sexuelles avec les rebelles femmes du MLC, des actes dont le but était d’humilier, d’avilir et de stigmatiser les victimes.

« Nous étions plusieurs hommes à être sodomisés lors des évènements d'octobre 2002, mais certains ont préféré se taire ; ce n'est pas facile de parler d'un truc pareil au public, voyez-vous », a confié Jacques Sanzé.

L’humiliation est permanente

La plupart des victimes de viol ont encore honte et sont rejetées par leurs communautés. Afin d’éviter cette humiliation, un grand nombre de victimes préfèrent rester cloîtrées chez elles. Beaucoup de filles ne vont plus à l’école car, au lieu de les soutenir, leurs camarades se moquaient d’elles.

Quant aux victimes plus âgées, elles se sentent rejetées par leurs maris, leurs familles et leurs voisins.

« Je me sens rejetée par mon entourage », a confié Fane Moussa, 26 ans. « Je ne peux plus me remarier. Tout comme les autres, je suis montrée du doigt, au marché où je fais mon commerce, dans les rues et un peu partout, comme étant la femme des miliciens MLC, les Banyamulenge, et les hommes me fuient. Au fait, j'ai honte quand les gens me voient », a-t-elle ajouté.

Pour Fana Moussa, en tant que musulmane, son rejet est presque total. Son mari la rejette et d’autres musulmans affirment qu’elle n’a pas respecté le Coran, même si elle a été violée.

« Cette femme, tout comme bien d'autres dans le quartier ici, a commis l'adultère qui est un acte interdit par le Coran ; elle est impure et il n'est pas question d'épouser celle-ci ou avoir des relations sexuelles avec elle. Pour un bon musulman, vivre maritalement avec elle est un sacrilège », a affirmé Hassan, un voisin de Fana Moussa et homme d’affaires, sous le couvert de l'anonymat.

Devant de telles convictions, Moussa et d’autres femmes musulmanes n’ont d’autre choix que de vivre recluses dans le quartier nord de Bangui.

Outre le fait qu’elles sont rejetées par la société, les victimes de viol ont aussi du mal à se procurer de la nourriture car elles ont peu ou pas d’argent du tout, et beaucoup d'entre elles ne reçoivent plus d’aide de leur famille.

Certains enfants ne vont plus à l’école car leurs parents ne peuvent plus payer les frais de scolarité. Leurs besoins sont bien trop importants.

« Nous voulons une prise en charge psychologique, médicale et sociale pour nous victimes d'abord, une prise en charge scolaire pour nos enfants et une protection de la part des autorités car nous sommes des personnes très vulnérables et nous ne sommes pas en sécurité », a ajouté Mme Sayo.

Mais à en croire Georges M'Baga, directeur de cabinet du ministère des Affaires sociales et de la Famille, « le ministère des Affaires sociales et de la Famille se bat pour la réhabilitation sociale, financière, médicale et psychologique des victimes des viols dans notre pays ».

Aucune aide de l’Etat pour les victimes

Jusqu’à présent, aucune victime de viol n’a reçu une aide du gouvernement qui doit 40 mois d’arriérés de salaire à ses fonctionnaires. De son côté, le gouvernement a annoncé qu’il allait saisir le Tribunal pénal international de la Haye afin qu'il examine le cas des victimes de viol.

Hormis l’aide versée en 2003 par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), aucune organisation internationale n’a prêté attention au sort des victimes. Par conséquent, rapporte Mme Sayo, les personnes violées et devenues séropositives meurent car elles n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments antirétroviraux.

En effet, en 2003, le prix d’un traitement ARV était de 23 000 CFA par mois, soit environ 45 dollars américains. Un financement de 25 millions de dollars américains sur cinq ans, accordé cette même année par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, avait permis à 680 patients de la capitale d’obtenir ces médicaments gratuitement. Toutefois, beaucoup d’autres patients restent livrés à eux-mêmes.

Alors que l’on pensait que l’arrivée au pouvoir de Bozizé, à la mi-mars 2003, allait mettre fin aux viols, ces pratiques ont continué. Mais cette fois-ci, les violeurs étaient des Centrafricains. Bien que les victimes aient souvent accusé les soldats, les sanctions judiciaires prises à l’encontre des auteurs de ces viols étaient mineures voire inexistantes.

Plusieurs rapports de police confirment les dépositions des victimes et prouvent que des soldats de l’armée régulière sont les auteurs de ces viols, a confié un officier supérieur de la police, sous le couvert de l’anonymat.

Ainsi, les violeurs ne semblent pas intimidés par les propos du Président Bozizé qui exige que les coupables soient sévèrement punis par la justice. En 2004, des soldats accusés de viol ont été exclus de l’armée et mis en prison. Cependant, la plupart de ces hommes se sont échappés durant leur garde à vue ou ont été libérés par d’autres soldats ou par des agents de la sécurité.

L’OCODEFAD envisage des poursuites judiciaires

Bien qu'elle n'ait pas confiance en l’armée, Elisabeth Mayongo, 50 ans, croit encore en la justice de son pays.

« Nous voulons que justice soit faite et c'est cette justice qui nous consolera de cette humiliation infligée par nos bourreaux [Ange Félix Patassé et Jean-Pierre Bemba], a-t-elle dit.

L’OCODEFAD a déposé une plainte contre Ange Félix Patassé et Jean-Pierre Bemba auprès du Tribunal pénal international. Cependant, l’ONG déclare avoir besoin d’argent pour pouvoir introduire une demande d’aide juridique au nom des victimes afin d'améliorer leurs conditions de vie.

Georges M'Baga, du Ministère des Affaires sociales et de la Famille, a annoncé qu’une aide d’urgence de 55 000 dollars américains pourrait être versée par la Banque mondiale dans le cadre du projet LICUS.

« OCODEFAD est la principale bénéficiaire de cet argent octroyé dans le Cadre du projet LICUS », a-t-il déclaré.

Georges M'Baga espère que ce projet permettra d’obtenir le versement de 200 millions de francs CFA supplémentaires (soit environ 377 323 dollars américains) qui seront négociés avec la Banque mondiale au mois de septembre.

Les fonds doivent soutenir des activités lucratives mises en place par des ONG qui, comme celle de Mme Sayo, se préoccupent du sort des victimes.

[FIN]




 
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