De plus en plus de femmes enceintes acceptent le dépistage

CÔTE D IVOIRE: De plus en plus de femmes enceintes acceptent le dépistage

ABIDJAN, 21 avril 2005 (PLUSNEWS) - A la maternité de Yopougon Sicogi, dans une banlieue populaire d’Abidjan, le centre de prise en charge, de recherche et de formation sur le VIH/SIDA (CEPREF) est systématiquement conseillé aux femmes enceintes séropositives.

Quand Sandrine Kouassi a été dépistée positive pendant sa grossesse, elle a cru que cela signifiait forcément la naissance d’un enfant malade qui devrait mourir avec elle. Et c’est sans réel espoir qu’elle s’est rendue au centre de prise en charge de la maternité que lui avaient conseillé les sages femmes.

"J’ai cependant trouvé des gens sensibles qui m’ont apporté beaucoup de soutien et des conseils. Ils m’ont aidée", a expliqué Kouassi.

Situé au sein de l’unité de protection maternelle et infantile (PMI) de Yopougon, le CEPREF a été crée en 1996 par l’organisation non-gouvernementale ‘Aconda VS’ (“Réflexion profonde” sur le VIH/SIDA en Akan, l’un des quatre grands groupes ethniques de Côte d’Ivoire), une organisation financée en partie par le gouvernement français.

Initialement axé sur la recherche, le CEPREF a ouvert en 2000 une unité de prise en charge et a lancé un programme de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant (PTME), grâce à des financement de la fondation Glaxo Smith Kline, de l'Université de Colombia aux Etats-Unis.

Depuis, le CEPREF a signé une convention avec l'Etat ivoirien pour la prise en charge et la recherche sur le VIH/SIDA, a indiqué le docteur Madiara Coulibaly, un des médecins d’Aconda VS.

Lors de son accouchement à la maternité de Yopougon, Kouassi a reçu un comprimé de Nevirapine. Une dose de sirop a également été administrée à son bébé, quelques heures après sa naissance.

La Nevirapine, un médicament antirétroviral (ARV), donnée à une mère séropositive juste avant l’accouchement et quelques gouttes administrées au bébé dans les 72 heures suivant la naissance réduit de moitié le risque de transmission du VIH. La Nevirapine est aussi utilisée pour prolonger la vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA.

"Trois mois après la naissance de mon enfant, un test a confirmé qu’il était sain", a raconté Kouassi. "Il a aujourd’hui deux ans".

Elles sont nombreuses à se faire dépister pour leur enfant

A l’origine réservé aux malades qui avaient accepté de participer aux recherches du CEPREF, le centre s’est peu à peu ouvert au public. Aujourd’hui, il est l’un des plus fréquentés d’Abidjan, y compris par des malades venus de tout le pays.

La Côte d’Ivoire est coupée en deux depuis le déclenchement d’une guerre civile en septembre 2002, entre le sud contrôlé par les partisans du président Laurent Gbagbo et le nord aux mains des rebelles. Dans cette partie plus désertique du pays, il n’existe pas pour l’instant de centres de dépistage et de prise en charge des personnes vivant avec le VIH.

En 2004, le CEPREF a recu 5 311 malades, dont 2 239 femmes et 468 enfants.

D’autres centres de prise en charge des femmes séropositives existent à Abidjan, dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) des quartiers de Cocody, Yopougon et Treichville ainsi que dans les formations scolaires et universitaires communautaires (FSUC), selon Coulibaly, mais les malades préfèrent se rendre au CEPREF.

Selon le docteur Marie-Thérèse Noba, responsable de la prise en charge au CEPREF, il n’y a pas encore de statistiques sur le nombre de femmes participant aux programmes PTME. Mais depuis qu’il a pris en main le programme national de prise en charge médicale en 2004, le ministère de la Santé travaille à recueillir ces données, a-t-elle affirmé.

Après avoir bénéficié des prestations du CEPREF, Sandrine Kouassi, une grande et jolie fille d’une trentaine d’années, travaille au centre comme conseillère.

Accompagner les femmes, une nécessité

Cinq autres femmes testées séropositives lors de leur consultation prénatale et prises en charge par le centre sont également conseillères. Elles sont membres de l’association ‘Femme = Vie’, une association fondée il y a deux ans pour offrir un cadre d’échange aux femmes infectées au VIH.

"On peut dire entre nous ce qu’on ne peut pas dire partout, ce que les autres ne savent pas de nous, c’est une seconde famille pour nous", a expliqué Hortense Tiemele, présidente de cette association partenaire du CEPREF dont certaines de ses membres sont conseillères au centre.

"Leur rôle consiste à accompagner les femmes dépistées séropositives à leur domicile pour les localiser et leur apporter un soutien psychologique, en les faisant bénéficier au besoin de leur propre expérience", a expliqué Cécile Amah, l’assistante sociale qui gère le centre.

"Nous avons été assistées", a dit Kouassi. "Pourquoi à notre tour nous n’aiderions pas les autres?"

Les conseillères aident leurs pairs à gérer leur séropositivité, leur avenir et celui de leur enfant en les informant par exemple sur les risques de l’allaitement, avec l’appui du personnel médical.

"Elles ont le choix entre l'allaitement au sein et l'alimentation au biberon", a expliqué le docteur Coulibaly. "La majorité d'entre elles accepte le biberon. Nous leur déconseillons l'allaitement mixte, elles doivent observer strictement le mode qu'elles ont choisi".

Le centre continue d’assister les mères séropositives après leur accouchement, pour un soutien psychologique ou le suivi de leur traitement.

Selon Coulibaly, de plus en plus de femmes acceptent le dépistage du VIH lors des consultations prénatales. "Elles veulent la santé pour leur enfant et 90 pour cent des femmes qui viennent ici en consultation acceptent le test", a dit Coulibaly qui a précisé que, selon elle, le pourcentage des femmes enceintes volontaires pour le test est de l’ordre de 80 pour cent dans les autres structures d’acceuil du pays.

Près de sept pour cent des femmes testées au CEPREF sont séropositives, a-t-elle ajouté, un taux identique à la prévalence nationale.

L’association ‘Femme = Vie’ doit aussi aider ses membres à gérer leurs difficultés financières, nombre d’entre elles étant totalement démunies.

"Nous sommes obligées de cotiser souvent entre 20 000 et 30 000 francs CFA (40 à 60 dollars) pour aider certaines de nos camarades à avoir une alimentation saine", a dit Thiemele.

Sur les 175 femmes que compte l’association, cinq pour cent sont veuves, trois pour cent abandonnées et 12 pour cent sont des jeunes mères célibataires, selon la présidente.

"Certaines ont été chassées par leurs maris lorsqu’elles leur ont annoncé qu’elles étaient séropositives", a expliqué Thiemele. "En Afrique, l’espoir de plusieurs femmes c’est le foyer. C’est pourquoi d’autres cachent leur statut à leur époux et certaines en meurent".

Des femmes infectées au VIH ne viennent pas au rendez vous, à cause du prix du transport. D’autres sollicitent le paiement de leur transport par le centre, après la visite, a dit Thiemele.

Entre le traitement ARV, les consultations et les médicaments pour les maladies opportunistes, la prise en charge coûte au patient 6 000 francs CFA (12 dollars) par mois, le CEPREF ne faisant pas payer certains examens.

Face aux difficultés financières des ménages aggravées par la guerre civile, les membres de ‘Femmes = Vie’ veulent surtout sensibiliser les femmes au dépistage précoce, afin de réduire le risque de transmission du virus à l’enfant.

"Certaines de nos membres ont été dépistées à des stades très avancés", a regretté Thiemele. "Il est difficile de faire quelque chose pour elles, dans ce cas".

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