AFRIQUE DU SUD: Les mères séropositives se font entendre
JOHANNESBOURG, 12 avril 2005 (PLUSNEWS) - Cela fait trois ans que les tribunaux ont ordonné au gouvernement sud-africain de fournir de la Nevirapine aux femmes enceintes séropositives dans les structures de santé publiques. Pourtant l’on sait peu de choses sur les épreuves endurées par les mères qui suivent ce programme.
Ces dernières années la large couverture médiatique consacrée au programme controversé de la prévention de la transmission mère-enfant (PMTCT) s’est focalisée essentiellement sur le conflit entre les activistes de la lutte contre le sida et le gouvernement. Les médias ont rarement donné la parole aux personnes directement concernées par ce programme.
De nouvelles recherches ont été menées par l’Université de Witswatersrand sur le VIH/SIDA et le projet médias sur les défis auxquels sont confrontées les mères vivant avec le VIH. D’après les résultats de ces recherches, le “climat qui prévaut autour du VIH/SIDA est toujours celui du secret” et de nombreuses femmes du programme évitent encore de révéler leur statut, de peur d’être rejetées et isolées.
Lors de la présentation des résultats préliminaires, la responsable de l’enquête, Philippa Garson, a raconté l’expérience de Thoko, mère célibataire de quatre enfants et séropositive, rejetée par sa mère et ses soeurs avant d’être mise à la porte de la maison familiale.
“Ma mère a seulement dit: ‘Elle a le sida, elle a le sida... Je ne la veux pas dans ma maison’... Je pleurais, je me suis demandé ‘Où dois-je aller maintenant?”, a raconté Thoko dans l’étude.
En dépit des avancées constatées sur le plan de la sensibilisation et de l’accès aux traitements, “l’énorme poids de la stigmatisation” constitue un obstacle très important pour les femmes enceintes qui suivent le programme PMTCT.
Le lait en poudre pour les bébés réduit d’un tiers le risque de transmission lié à l’allaitement et le programme conseille aux femmes de nourrir leurs enfants au biberon. Mais les femmes interrogées par Garson à Soweto, la banlieue défavorisée de Johannesbourg, ont expliqué que dès qu’elles sont surprises en train de nourrir leur bébé au biberon, “c’est clair, tout le monde sait que vous avez le sida”.
Les femmes “déploient des trésors d’imagination pour dissimuler les aliments pour bébés distribués par le gouvernement”, allant jusqu’à transférer le contenu de la boîte orange, décrite comme le “lait du sida”, dans un autre récipient.
Quans sa grand-mère a essayé de la forcer à allaiter, une femme, dont le bébé et l’ex-mari sont tous deux séropositifs, s’est ouvert une veine avec une lame de rasoir “pour que le sang sorte, puis j’ai dit à ma grand-mère qu’il y avait du sang dans mon lait”.
Les femmes souffrent aussi d’une forte anxiété et d’un sentiment de culpabilité à cause du statut sérologique de leur enfant, estimant qu’il est plus difficile d’accepter la séropositivité de leur bébé que la leur, a révélé l’étude.
Les relations humaines sont mises à rude épreuve par le VIH. Des femmes ont raconté qu’elles étaient accusées d’avoir apporté le sida à la maison alors que les hommes refusaient d’endosser leurs responsabilités. Les tensions liées à l’obligation de négocier des rapports sexuels protégés leur ont fait perdre l’intérêt et le plaisir.
“Une campagne énergique contre la stigmatisation, des programmes d’éducation intensive destinés aux hommes et un effort accru des médias pour donner une dimension humaine à l’épidémie pourrait permettre d’apporter un réel soutien aux personnes affectées et d’éradiquer la stigmatisation”, a conclu le rapport préliminaire.
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