Entre chanson et sensibilisation au VIH, il n’y a qu’une note de musique

SÉNÉGAL: Entre chanson et sensibilisation au VIH, il n’y a qu’une note de musique


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Les artistes, dont le chanteur sénégalais Youssou Ndour (au centre), ont conscience de l’impact de leurs messages de sensibilisation sur les jeunes

DAKAR, 16 septembre 2005 (PLUSNEWS) - Rien de tel que la musique pour faire comprendre aux jeunes que le sida représente un danger pour eux-mêmes et leurs familles, selon Oumar Ndiaye, organisateur d’une tournée et d’un concours de chansons sur cette épidémie, encore très taboue au Sénégal.

«Vois comme il est agréable d’être en bonne santé/Pour une minute de plaisir, tu te dépouilles de ton honneur/Pourtant les moyens de se prémunir sont légion/Demandez aux médecins».

Initialement écrite et chantée en pulaar, la langue d’usage du peuple Toucouleur, cette chanson est signée Ngatamaare, le jeune groupe sénégalais lauréat du concours Chanson de jeunes contre le sida, organisé en juillet 2004 à l’initiative de l’association Ngaari Laaw dirigée par Oumar Ndiaye.

Grâce à l’association et à l’aide financière de l’organisation confessionnelle néerlandaise ICCO, Ngatamaare et cinq autres gagnants du concours partiront en tournée du 3 au 6 novembre prochain dans le Fouta, une région du nord du Sénégal d’où est originaire M. Ndiaye.

Eloignée des centres de production et de la capitale Dakar, cette zone aride du pays subit d’importants flux migratoires, les hommes partant à l’étranger pour chercher du travail, laissant femmes et enfants au village.

Persuadés que la chanson est un formidable outil de sensibilisation et forts du succès de l’année dernière, l’association, appuyée par ICCO, a décidé de réitérer l’expérience en juillet 2006, en organisant cette fois un concours de chansons pour les femmes musiciennes du Sénégal.

«Nous avons remarqué que la pandémie est de plus en plus un problème de femmes», a expliqué M. Ndiaye à PlusNews.

Selon le Conseil national de lutte contre le sida, CNLS, le taux de prévalence au Sénégal est d’environ 1,5 pour cent, un niveau d’infection assez bas en Afrique de l’ouest, et plus de la moitié des adultes séropositifs sont des femmes. Elles seraient 45 200 à être infectées par le virus dans un pays où les filles se marient en moyenne à 17 ans et ont leur premier enfant deux ans plus tard.

«Il y a beaucoup de choses qui passent à travers une chanson. Pour moi, c’est un support idéal pour faire passer un message», a expliqué Oumar Ndiaye, un homme à plusieurs casquettes puisqu’il est également directeur artistique du groupe de musique traditionnelle et engagée Ngaari Laaw, qui a donné son nom à l’association.

Depuis plus de 20 ans, M. Ndiaye et le groupe Ngaari Law, avec à sa tête le chanteur Abou Tcham, abordent, en musique, des sujets de société – leur dernier disque, sorti en 2002, s’intitulait «Femmes du Fouta, le sida est là» --, défendent des causes qu’ils estiment justes (la lutte contre l’excision, la promotion de l’alphabétisation) et s’engagent aux côtés des jeunes.

Car en tant que directeur du Centre de sauvegarde de Pikine-Guediawaye, une banlieue populaire et très peuplée de Dakar, M. Ndiaye connaît la chanson : la structure publique qu’il dirige depuis 13 ans reçoit environ 2 000 personnes -- des femmes, des jeunes et des moins jeunes du quartier--, qui viennent y trouver l’accueil et les formations indispensables pour sortir de l’analphabétisme, du chômage ou de l’inactivité.

Placé depuis sa création en 1968 sous l’autorité du ministère de la Justice, le Centre de sauvegarde donne une chance aux jeunes désoeuvrés de ces banlieues négligées de la capitale d’échapper à la délinquance, en offrant des formations professionnelles, des activités socio-éducatives et une réinsertion scolaire pour les plus jeunes.

Oumar Ndiaye leur a également offert la possibilité de participer à ce concours de chansons, doté de six prix, une enveloppe de 350 000 francs CFA (652 dollars américains) pour le lauréat et cinq autres de 100 000 francs CFA (186 dollars) pour les suivants.

«C’était un moyen pour les jeunes de parler du sida aux jeunes» a expliqué M. Ndiaye.

Pour participer au concours, les candidats devaient vivre dans la banlieue de Pikine, avoir entre 14 et 28 ans et écrire eux-mêmes un texte sur le thème du VIH/SIDA, peu importe la langue utilisée.

Pour Ousmane, le guitariste soliste de Keep’Art, un des six groupes lauréats, «le sida, c’est quelque chose qui est en train de prendre de l’ampleur chez les jeunes».

D’après le programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA (Onusida), l’infection gagne du terrain parmi les jeunes au Sénégal. En 2003, respectivement 6,9 pour cent des jeunes femmes et 2,1 pour cent des garçons âgés de 15 à 24 ans vivaient avec le VIH/SIDA, une génération qui représente près de 20 pour cent de la population du pays.

«On parle du sida entre nous, mais il y en a beaucoup qui n’y croient pas», a commenté El Hadj, le bassiste de Keep’Art.

«Pour ceux qui n’ont pas fait les bancs [qui n’ont pas été à l’école, NDLR], ils apprennent beaucoup dans les chansons surtout qu’ici, tout le monde écoute de la musique», a poursuivi Ousmane, le guitariste du groupe.

Un des lauréats du concours 2004, le groupe Big Star, très écouté dans les quartiers, chante dans ‘Méfie-toi du sida’ : «A mes potes qui me conseillaient la capote/je répondais que le contact direct était plus agréable».

«Si ce n’était pas dit dans une chanson, ces propos ne passeraient jamais», a expliqué Oumar Ndiaye.

Alors que dans ‘Contre le sida’, le groupe Xal’ILE décrit la pandémie et ses modes de transmission, Big Star propose un portrait intimiste d’un jeune confronté au virus : «Je ne sais pas comment expliquer ce qui m’arrive/Mais je sais que j’aurais pu l’éviter/J’entendais parler du sida, mais j’étais loin d’imaginer le danger».

Du rap à la chanson traditionnelle en passant par le mbalax, un genre musical local, pas moins de 70 groupes avaient répondu présent en juillet 2004, se produisant devant un jury attentif composé, notamment, de personnes vivant avec le VIH/SIDA.

«Les jeunes se sont impliqués personnellement, il y avait un vrai élan de générosité», a raconté Oumar Ndiaye.

Lui-même ne manque pas de coeur : son association Ngaari Laaw, créée en 1989 pour mener des actions de sensibilisation sur des questions sociales à Dakar et dans les villages du Fouta, distribue gratuitement la cassette audio née de cette aventure.

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