NIGERIA: Pas de discours contre la discrimination liée au VIH, mais des lois
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Les activistes demandent au président Olusegun Obasanjo des lois plutôt que des discours
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LAGOS, 9 septembre 2005 (PLUSNEWS) - Le moyen le plus efficace de lutter contre la stigmatisation très forte dont souffrent les personnes vivant avec le VIH/SIDA au Nigeria serait de promulguer des lois pour les protéger, estiment des activistes de la lutte contre l’épidémie qui fustigent les déclarations d'intention des autorités.
«Il y a un besoin urgent de lois ... qui protégent les personnes vivant avec le VIH de toute forme de discrimination, [qui garantissent] les droits des orphelins et des enfants vulnérables ainsi que l’accès aux soins et aux traitements et les droits de propriété intellectuelle», a déclaré le Mouvement d’action pour les traitements (TAM, en anglais), un groupe d’activistes de la lutte contre le sida, dans un communiqué publié le mois dernier.
Selon Oba Oladapo, secrétaire national du TAM, une législation pénale est désormais indispensable pour limiter la très forte stigmatisation que connaissent les quelque quatre millions de personnes vivant avec le VIH dans cet immense pays de 126 millions d’habitants.
«Toutes les politiques, les déclarations faites par le gouvernement pour manifester sa volonté de mettre fin à la discrimination ne suffisent pas, nous avons besoin de lois effectives pour pouvoir mettre un terme à des pratiques injustifiables», a dit M. Oladapo.
En dépit des nombreuses déclarations faites par les responsables politiques sur la nécessité de respecter les droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH, des droits en principe garantis par la Constitution du Nigeria, les personnes infectées par le virus continuent à souffrir d’une très forte stigmatisation au sein de leur communauté, sur leur lieu de travail ou dans leur vie sociale.
Or jusqu’à ce jour, aucune loi fédérale ne les protège de manière explicite d’une éventuelle discrimination fondée sur leur statut sérologique.
Deux Etats de l’est du pays ont adopté des lois en ce sens et des travaux sont en cours dans d’autres Etats qui souhaitent se doter d’une législation similaire ; mais même dans ces Etats, ces lois ne sont pas appliquées et le public, faute de sensibilisation, ne les connaît pas.
Bien que la section 42, chapitre IV de la Constitution nigériane garantisse le droit à la non-discrimination, un tribunal fédéral de Lagos, la principale ville du pays, a statué en février 2004 que ce droit ne s’appliquait pas aux personnes vivant avec le VIH ou des affections liées au virus.
Le tribunal avait été saisi pour tenter de faire valoir les droits de quatre détenus séropositifs de la prison de Kirikiri Maximum à Lagos, qui étaient emprisonnés dans des quartiers séparés des autres détenus parce qu’ils étaient séropositifs, et à qui aucun traitement approprié n’était fourni.
«L’impact du jugement dans son essence est qu’une personne vivant avec le VIH peut-être tout à fait légalement victime de discrimination dans le cadre de sa vie publique et sociale», a déploré Wale Fapohunda, du Consortium des ressources légales (LRC, en anglais) qui a engagé la procédure judiciaire.
Un projet de loi fédérale, toujours en attente d’être voté
Pour permettre aux personnes infectées de demander réparation pour des violations de leurs droits, la LRC a initié un projet de loi visant à renforcer les droits des personnes séropositives.
Le projet de loi remis au Comité fédéral des droits de l’homme prévoit d’interdire toute discrimination fondée sur l’appartenance ethnique, la religion, l’âge, le sexe, l’état de santé mentale, la famille, la santé (dont le statut sérologique), la race, la nationalité, le handicap, les circonstances de la naissance et les condamnations pour lesquelles le pardon a été accordé.
Soutenu par le Comité national de lutte contre le sida (NACA, en anglais) et la Commission des droits de l’homme, ce projet de loi prévoit d’infliger des amendes aux personnes physiques et morales qui ont violé les dispositions de la loi.
Une table ronde a été organisée par le Comité des droits de l’homme du Parlement en novembre 2004 pour discuter de ce projet de loi et différents intervenants ont été consultés pour amender le projet de loi afin que la législation couvre certains aspects qui ne l’étaient pas initialement.
Pourtant, personne ne sait quand le projet de loi pourrait être étudié, faire adopter des lois pouvant prendre plusieurs années au Nigeria.
En plus d’être signataire d’un certain nombre de conventions internationales des droits de l’homme et en dépit de l’existence d’une politique nationale de lutte contre le VIH/SIDA, qui condamne la stigmatisation et la discrimination des personnes infectées par le virus, l’absence de législation fait qu’en cas d’abus, il est très difficile pour les personnes discriminées d’obtenir réparation.
Il est également difficile de poursuivre les auteurs de violations des politiques de lutte contre la stigmatisation introduites par le gouvernement fédéral ainsi que des rares lois supposées protéger les personnes séropositives.
Interdits de tribunal
Ainsi, cinq après que Georgina Ahamafule ait poursuivi ses employeurs pour l’avoir licenciée parce qu’elle était séropositive, le dossier attend toujours d’être traité par la haute Cour de justice de Lagos.
Pire : lorsqu’elle s’est rendue au tribunal auprès duquel elle était censée obtenir justice, la juge qui présidait la séance, Caroline Oluwawo -aujourd’hui à la retraite- lui a interdit l’accès de la salle pour ‘éviter d’infecter au VIH les personnes présentes dans le tribunal’.
Clifford Ishiakwu, un brillant étudiant qui avait été renvoyé de l’Ecole navale pour avoir été dépisté positif au VIH, a aussi intenté une action en justice contre les autorités navales en mars 2004.
Mais son dossier n’a pas avancé auprès de la haute Cour de justice de Port Harcourt, au sud-est du pays, en raison des obstacles légaux que doivent franchir les personnes vivant avec le VIH qui cherchent à faire valoir leurs droits.
Fred Adegboye, lui aussi séropositif, a eu plus de chance puisque son inscription à l’Institut de journalisme (NIJ, en anglais) a été rétablie, après avoir été annulée en juin 2004 parce qu’il avait précisé aux responsables de l’établissement qu’il était infecté au VIH.
Les activistes impliqués dans son dossier ont délibérément choisi de ne pas prendre la voie légale pour le défendre, afin d’éviter de se retrouver dans une impasse.
Selon eux, les responsables de la NIJ auraient pu se servir de la loi pour tenir M. Adegboye loin de l’école, arguant de la crainte qu’il puisse infecter d’autres étudiants ou qu’ils ne se sentiraient pas à l’aise en sa présence.
Les activistes ont plutôt opté pour le plaidoyer et la mobilisation des foules, avec des manifestations qui ont été largement couvertes par les media, et ont finalement obligé la NIJ à réintégrer l’étudiant.
Réagissant au retard pris dans le traitement de son dossier judiciaire, Ahamefule a dit : « Ca me fait horreur de penser qu’en tant que Nigériane, je ne peux pas obtenir justice dans mon pays. Il ne s’agit pas seulement de moi mais aussi d’autres personnes vivant avec le virus qui ont souffert et continue à souffrir de la discrimination ».
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