Les IST et la violence sexuelle se propagent parmi les forces armées -- étude

RDC: Les IST et la violence sexuelle se propagent parmi les forces armées -- étude


©  Sylvia Spring/IRIN

Ce rapport souligne que 80 pour cent des militaires et 40 pour cent des policiers ont affirmé souffrir ou avoir souffert d’une IST

DAKAR, 30 août 2005 (PLUSNEWS) - L’état de santé des forces armées de la République démocratique du Congo (RDC) est préoccupant et nécessite que des mesures urgentes soient prises, selon les premiers résultats d’une étude qui souligne une forte prévalence des infections sexuellement transmissibles chez les militaires et les policiers.

Selon le département des sciences de la population et du développement de l’université de Kinshasa, la capitale de la RDC, auteur de ce rapport préliminaire, 80 pour cent des militaires et 40 pour cent des policiers interrogés par le service médical des armées ont affirmé souffrir ou avoir souffert d’une infection sexuellement transmissible (IST).

Le rapport souligne en outre que 70 pour cent des 3 000 militaires interrogés et 60 pour cent des 2 000 policiers ont affirmé connaître une personne qui a été obligée d’avoir des relations sexuelles ou qui a contraint une autre à en avoir avec elle.

«Ces tendances peuvent compromettre les chances de développement du pays, elles rendent indispensables la mise en oeuvre d’un programme important de lutte contre les IST en général et contre le VIH/SIDA en particulier», ont affirmé les auteurs de l’étude, dont PlusNews a pu se procurer une copie.

Un rapport plus détaillé des résultats de l'enquête est en cours de finalisation et pourrait être disponible vers la fin du mois de septembre 2005, a dit à PlusNews Ngoy Kishimba, du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) à Kinshasa qui a financé l’étude.

Pour tenir compte des disparités régionales et de la situation politique du pays, déchiré depuis près de dix ans par des conflits meurtriers, l’échantillon de personnes interrogées a été réparti entre les zones qui ont connu la guerre, notamment dans l’est du pays, et celles qui ne l’ont jamais connue, à l’ouest, ont précisé les auteurs du rapport.

Au cours de l’enquête, plus de 30 pour cent des personnes interrogées ont dû s’absenter au moins cinq fois de leur domicile pour des raisons professionnelles, aggravant leur vulnérabilité aux IST, dont le VIH/SIDA.

En outre, la moitié des militaires interrogés fait partie de la troupe, tandis qu’un quart de l’échantillon est constitué de familles qui, bien souvent, sont moins informées sur les modes de prévention et de contamination des IST et du VIH.

Ainsi, si 64 pour cent des militaires ont dit accepter d’utiliser le préservatif masculin, seuls 47 pour cent des membres de leur famille étaient d’accord, sept personnes sur 10 connaissant l’existence des IST ; 26 pour cent des militaires ont affirmé avoir utilisé des préservatifs au cours des derniers rapports sexuels, contre 18 pour cent des membres de leur famille.

«L’utilisation du préservatif lors des derniers rapports sexuels est ce que différencie le plus [les militaires de leur entourage]», ont confirmé les auteurs du rapport, qui ont conclu que «les membres de famille sont en situation plus difficile que les militaires» parce que subissant les conséquences de leurs comportements à risque.
Banalisation des violences sexuelles

L’étude a notamment souligné la généralisation des violences sexuelles de la part des forces de l’ordre, surtout dans les régions du Kivu et de l’Ituri où le taux de prévalence au VIH/SIDA atteint 10 à 14 pour cent de la population, selon le Programme national de lutte contre le sida (PNLS).

Pour expliquer l’importance de l’épidémie de VIH dans la partie est du pays, le rapport a cité «les viols et la prostitution favorisés par les déplacements de population dus à la guerre ; l’arrivée, dans le pays, de nombreux réfugiés parmi lesquels de nombreuses personnes infectées pendant qu’aucun programme de prévention n’est développé dans les camps et leurs environs et l’intervention de troupes provenant de pays ayant un taux élevé de prévalence au VIH/SIDA (Rwanda, Burundi, Ouganda et Zimbabwe)».

«Tout en étant l’une des causes de la propagation du VIH/SIDA, les violences sexuelles sont devenues un problème en soi», a expliqué l’étude, se référant à un rapport publié par l’organisation humanitaire Human Right Watch, HRW, en 2002, qui signalait que «les combattants [avaient] violé et abusé des femmes et des enfants pour avoir un contrôle effectif sur les civils et les territoires qu’ils occupaient».

Dans un rapport plus récent sur la RDC, paru en mars dernier, HRW soulignait que dans la seule province du sud-Kivu, dans l’est du pays, 25 000 cas de viols avaient été recensés depuis 1998, parfois sur des victimes à peine âgées de plus de trois ans.

Selon les organisations humanitaires, ces viols massifs ont eu comme conséquence une augmentation du taux d’infection au VIH dans plusieurs agglomérations ou villages de l'est du pays.

Soldats de l’armée régulière, membres de groupes armés ou de milices tribales (tels que les Mai Mai, des combattants congolais engagés dans la défense de leurs communautés) et rebelles hutus rwandais opérant dans l’est de la RDC, tous se sont rendus coupables de viols au cours des dernières années, selon le rapport de l’organisation de défense des droits de l’homme.

Dans ce rapport, HRW cite des experts qui estiment qu’environ 60 pour cent des troupes régulières et des milices au Congo sont infectées par le VIH.

L’étude préliminaire que viennent de publier le ministère de la Défense et le FNUAP ne donne pas le taux de prévalence au sein des forces armées congolaises. En revanche, elle révèle que respectivement 29 et 20 pour cent des militaires ne considèrent pas l’abstinence et le préservatif comme des moyens efficaces de prévention des IST.

Plus de 90 pour cent d’entre eux rejettent la notion de fidélité comme un mode de protection.

Ainsi, si neuf militaires sur 10 connaissent le préservatif masculin, seuls 76 pour cent d’entre eux recommandent son utilisation pour se protéger contre les IST et à peine plus de 63 pour cent ont l’intention de l’utiliser dans l’avenir. Seuls 54 pour cent des sondés recommandent qu’il soit mis à la disposition de toute personne sexuellement active.

Selon les auteurs de l’étude, seul un agent de l’ordre sur six reçoit gratuitement des préservatifs dans le cadre de son travail. Le prix et la honte d’en posséder sont les principales raisons évoquées par les 47 pour cent des militaires qui disent ne pas y avoir accès.

Deux pour cent des militaires ont même avoué n’en avoir jamais vu, selon l’étude qui a recommandé que «le préservatif soit mis à la disposition des forces armées dans tous les dispensaires et les unités militaires».

«Le préservatif féminin restant peu utilisé, des efforts devraient aussi être fournis pour qu’il soit mieux connu et accepté (…) Les femmes doivent avoir la possibilité de se protéger si l’homme lui-même ne souhaite pas prendre ses précautions», a conclu le rapport.


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