Nouadhibou, ancien eldorado aujourd'hui en danger

MAURITANIE: Nouadhibou, ancien eldorado aujourd'hui en danger


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Quelques panneaux, le long des avenues désertes de Nouadhibou, témoignent des efforts consentis par les autorités pour informer les populations sur les dangers du VIH

NOUADHIBOU, 18 mars 2005 (PLUSNEWS) - Même si les autorités mauritaniennes affirment considérer Nouadhibou comme une priorité de la politique de lutte contre le sida, la ville portuaire semble délaissée et les activistes fustigent des actions publiques toujours trop ponctuelles.

Située à l’extrême nord de la côte mauritanienne, à quelques encablures de la frontière avec le Sahara occidental, Nouadhibou est une ville de transit pour des milliers de marins et de candidats à l’émigration vers l’Europe.

Populations ‘déracinées’, célibataires venus chercher fortune, maris ou femmes loin de leurs foyers… environ 20 pour cent de ses 100 000 habitants sont des migrants qui évoluent au gré de l’activité qu’offre cette ville cosmopolite, selon des estimations officiellement admises.

Le taux d’infection au VIH/SIDA y est le plus élevé du pays, soit un pour cent contre 0,57 pour cent en moyenne, selon l’enquête sentinelle réalisée en 2001 auprès de femmes enceintes en consultation prénatale.

Pourtant, les campagnes de sensibilisation et de prévention sont encore rares et ponctuelles, ont déploré des activistes de la lutte contre le sida, qui ont affirmé que les personnes qui vivent avec le VIH doivent faire plus de 500 kilomètres jusqu’à Nouakchott, la capitale, pour acheter leurs traitements antirétroviraux (ARV).

En dépit de quelques opérations de sensibilisation organisées dans les écoles de pêche, une grande majorité de marins (qui peuvent passer jusqu’à 45 jours en mer), n’est pas informé des modes de transmission du virus alors qu’ils constituent une population à haut risque, selon les acteurs de la lutte.

«Nous sommes particulièrement inquiets de la recrudescence des mariages durant les deux mois d’arrêt biologique de la pêche, en septembre et octobre», a expliqué Abdoulaye Ba, le responsable technique du projet ‘Prévention de la diffusion du sida en Mauritanie’ mené par l’organisation non-gouvernementale Adid et le réseau Africa 70.

«Le nombre de mariages explose à cette période, mais ce sont des unions au sein desquelles mari et femme se connaissent très peu, ce qui représente évidemment une situation à risque», a dit Ba.

Nouadhibou, l'ancien d'eldorado de l'Afrique de l’Ouest

Longtemps considérée comme un eldorado en Afrique de l’Ouest, Nouadhibou a attiré de nombreux travailleurs itinérants venus à Port-Etienne (l’ancien nom de la ville) dans l’espoir de faire fortune ou de partir vers l’Europe. Le rêve devenu illusion, beaucoup d’entre eux se sont sédentarisés. Employés dans la restauration ou le traitement du poisson, ils vivent repliés sur leur communauté.

«Il faut accéder à leur milieu et faire en sorte de ne pas les indexer en leur parlant du sida», a expliqué Salamata Sow, déléguée régionale du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS). «J’ai pu les rencontrer grâce au père de l’Eglise, lors d’une messe. Il est perçu comme un leader d’opinion, c’est lui qui a pu m’introduire auprès des chefs de communauté».

Ainsi, plus de dix nationalités ont été recensées parmi les travailleuses du sexe, a confié un intervenant médical qui a préféré garder l’anonymat. Elles viennent du Ghana, du Sénégal ou encore du Maroc et ont investi tous les quartiers de la ville.

«Certaines d’entre elles sont venues trouver du travail dans cette ville réputée pour son activité économique, d’autres ne font que passer en attendant un hypothétique bateau», a expliqué Djibril Diallo, formateur et membre de l’association SOS Pair Educateur.

Faute de cinémas et de discothèques, les plaisirs nocturnes se vivent en privé. Nouadhibou est considérée par les Mauritaniens comme une ville aux moeurs légères, ce qui justifie aux yeux de travailleurs humanitaires que de véritables actions de fond soient entreprises pour prévenir le développement de l’épidémie de VIH/SIDA, encore faible dans le pays.

Pourtant, des campagnes d’information sur le sida sont organisées, comme en témoignent les différents panneaux implantés au bord des avenues de Nouadhibou.

En 2003, 50 prostituées ont été sensibilisées dans le cadre d’un contrat signé entre le Fonds des Nations Unies pour les populations (FNUAP) et la FLM-Sida (Fédération luthérienne mondiale) ; 30 enseignants ont été formés en février 2005 et 63 imams ont déjà participé à des réunions de sensibilisation.

Des pêcheurs avides d’informations

Mais cela ne suffit pas à répondre à la demande, particulièrement forte chez les pêcheurs, a constaté Sow.

«Lors de notre dernier passage au port, en décembre, nous avons été assaillis de questions et nous avons dû passer six heures avec les marins au lieu des deux initialement prévues», a-t-elle raconté. «Certains n’avaient jamais entendu parler de sida».

Les pêcheurs, qui peuvent passer jusqu’à 45 jours en mer, sont avides d’informations sur les modes de contamination
Selon Salamata Sow, il faut également penser à sensibiliser les mareyeurs, les vendeurs de poisson et les femmes qui travaillent dans l’enceinte du port.

Malgré la faiblesse des campagnes d’information auprès des populations à risque, les autorités se défendent d’avoir délaissé la ville de Nouadhibou.

«Il y a peut-être eu quelques difficultés lors du démarrage de nos projets mais Nouadhibou est une de nos priorités, de par son poids socio-économique, sa population cosmopolite et sa situation géographique particulière», a assuré le docteur Abdallah ould Horma, secrétaire exécutif du CNLS à Nouakchott.

Ainsi, l’ouverture d’un centre de dépistage à Nouadhibou est prévu avant septembre.

Le CNLS, qui pilotait la lutte sur tout le territoire depuis Nouakchott, a crée l’année dernière des secrétariats décentralisés pour renforcer sa présence sur le terrain. Salamata Sow, déléguée pour la région de Nouadhibou, a pris ses fonctions en octobre dernier.

Il était temps de s’intéresser à Nouadhibou car aujourd’hui les actions ponctuelles ne suffisent plus, ont estimé des acteurs de la lutte.

«Le problème doit être traité sur le long terme», a estimé Djahfar Cherfaoui, médecin chef de la Société nationale industrielle et minière (SNIM).

Premier employeur de la ville et du pays, la SNIM a mis en place depuis 2002 un comité de pilotage de lutte contre le sida et a formé 12 pour cent de ses employés afin qu’ils informent les autres travailleurs de la société.

La SNIM distribue gratuitement des préservatifs à tout employé qui se présente à la pharmacie de l’hôpital. Mais le dépistage volontaire est encore rare et trop souvent les tests ne viennent que confirmer un sida déclaré.

«Nous avons beau sensibiliser nos 1 500 travailleurs, si rien n’est fait auprès des autres populations à risque de la ville comme les pêcheurs, la situation ne fera que s’aggraver», a souligné le docteur Cherfaoui.

Il a indiqué que la SNIM organisait ponctuellement des actions de sensibilisation en dehors de l’entreprise.

«Nous manquons aussi de préservatifs féminins, les prostituées en réclament, elles les préfèrent aux préservatifs masculins», a regretté Salamata.

Il est difficile pour les Mauritaniens, musulmans, de s’approvisionner en préservatifs dans les pharmacies et des petits réseaux de distribution informels ont vu le jour.

«Les jeunes ont honte. C’est pourquoi j’ai commencé à en diffuser avec l’aide d’une ONG, c’est plus facile pour eux de s’adresser à moi», a dit Moustapha, un jeune gérant de cybercafé.

Les différents acteurs travaillant dans le domaine de la lutte contre le sida se disent aujourd’hui préoccupés par l’ouverture prochaine de la route transsaharienne qui reliera Nouakchott à Nouadhibou, maillon manquant entre Tanger, au Maroc, et Dakar, au Sénégal.

Cette route de 470 kilomètres devrait doper les échanges commerciaux mais aussi les flux de voyageurs entre le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. En prévision de l’événement, le CNLS et les ONG fourbissent leurs armes : des partenariats avec les fédérations de transports pourraient être conclu et des campagnes d’information cibleraient les passagers en quête d’aventure.

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