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CONGO: Les prisons, des lieux accueillants pour le VIH et la TB


[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]



©  Anne Isabelle Leclercq/IRIN

Les prisonniers au Congo sont exposés à un risque élevé d’infection au VIH et à la tuberculose

BRAZZAVILLE, 27 avril (PLUSNEWS) - La situation des prisons congolaises, des lieux propices à la propagation du sida, est explosive, a reconnu l’administration pénitentiaire, qui s’avoue démunie face à la surpopulation carcérale, à l’absence de soins et aux violations régulières des droits de l’homme.

«Je lance un appel à ceux qui sont chargés de faire la prévention du VIH pour qu’ils aillent dans les prisons parce que nos compatriotes qui y séjournent ne sont pas épargnés [par l’épidémie]», a plaidé Jeany Ibela Ibel, directeur général de l’administration pénitentiaire congolaise.

Les mauvaises conditions de détention dans les prisons congolaises exposent les prisonniers à un risque élevé d’infection au VIH, a dit M. Ibela Ibel, qui s’exprimait lors d’un atelier sur les droits de l’homme organisé la semaine dernière à Brazzaville.

A l’image de la prison centrale de Brazzaville, les six maisons d’arrêt, toutes vétustes, que compte le pays sont surpeuplées. Construite il y a plusieurs décennies pour abriter une centaine de détenus, la prison de la capitale en accueille aujourd’hui plus de 400.

Cette promiscuité forcée favorise les comportements à risque face au VIH et aux infections sexuellement transmissibles (IST) parmi les prisonniers, ont constaté les différents acteurs de la lutte contre le sida dans le pays.

«Dans les prisons, l’homosexualité, bien qu’illégale et [mal] considérée [par la société], est une réalité», a dit Martin Inana, administrateur du programme VIH/SIDA du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) à Brazzaville. «Les adolescents sont des proies sexuelles dans les prisons, des pratiques comme la sodomie et le viol sont courantes».

Cette violence toucherait tous les lieux de détention, y compris les cellules de certains commissariats de police. Un jeune homme a ainsi témoigné, sous couvert d’anonymat, avoir été «sodomisé de force par trois co-détenus des heures durant au commissariat central de Brazzaville».

Loamba Moke, président de l’Association pour les droits de l’homme et l’univers carcéral (Adhuc), a également cité l’exemple d’une femme accusée de meurtre et incarcérée à la maison d’arrêt de Djambala, chef-lieu du département des Plateaux, dans le nord du pays.

Emprisonnée pendant trois jours avec les détenus hommes par manque d’espace, cette femme a subi un viol collectif, selon l’Adhuc.

En l’absence d’étude documentée, il est difficile de cerner précisément l’étendue de ce phénomène, mais les nombreux témoignages d’anciens détenus semblent confirmer que ces pratiques sont courantes, a-t-il dit.

Pourtant, les prisonniers n’ont aucun moyen de se protéger de l’infection au VIH, les préservatifs n’étant pas distribués dans les prisons, a reconnu M. Ibela Ibel.

«Ils doivent faire l’amour sans protection aucune et l’homosexualité n’est pas exclue», a-t-il admis.

Des solutions, mais pour les cas désespérés

Selon M. Moke, «on peut dire sans risque de se tromper que la situation va en s’aggravant», en raison de l’absence d’assistance sanitaire et d’action de prévention contre les IST et le VIH.

Le prisonnier est conduit à l’hôpital lorsque son cas est ‘désespéré’, ont souligné plusieurs acteurs de la lutte contre le sida dans les prisons. Et il est souvent trop tard pour le sauver, comme le confirme le nombre élevé de décès parmi les détenus hospitalisés.

Par conséquent, en cas d’infection au VIH ou de maladie, seuls les prisonniers autorisés à sortir durant la journée et soutenus financièrement par leurs proches peuvent avoir accès à des médicaments, souvent achetés dans la rue, sans aucune garantie.

Ces conditions de détention favorisent également la propagation de la tuberculose, la première infection opportuniste liée au VIH, et particulièrement contagieuse, ont constaté les officiels et les organisations qui interviennent dans les prisons.

«Dans des petites cellules, 10 à 12 personnes cohabitent, les pièces ne sont pas aérées et n’ont pas de fenêtres», a confirmé un ancien détenu, qui se fait appeler général Giap. «Que certains soient en train de tousser sans arrêt ou aient de la fièvre... ne préoccupe personne».

A ces conditions préoccupantes de surpopulation et d’absence d’hygiène et de soins s’ajoutent les problèmes de malnutrition auxquels sont confrontés les prisonniers.

La question de la malnutrition, déjà critique pour un détenu en bonne santé, devient cruciale pour les prisonniers vivant avec le VIH : une bonne alimentation est essentielle pour aider les organismes affaiblis à mieux lutter contre le virus.

Une administration pénitentiaire abandonnée à elle-même

Récemment, cette sous-nutrition a poussé des prisonniers affamés de la maison d’arrêt de Brazzaville à se révolter et prendre en otage le régisseur de l’établissement, une crise qui a été réglée par l’intervention en urgence du ministère de la Justice et des Droits humains.

Mais ces tensions risquent de persister : le budget prévu pour nourrir les détenus est largement inférieur aux besoins, a souligné M. Ibela Ibel. D’autre part, il est souvent versé très en retard, ce qui oblige l’administration pénitentiaire à chercher des solutions d’urgence.

«Il faut par exemple 12 millions de francs CFA [près de 23 000 dollars] pour nourrir les prisonniers de Brazzaville pendant un mois», a-t-il dit. «Mais on attend parfois trois mois sans recevoir un seul sou, et nous sommes obligés de nous endetter. Quand on nous donne enfin l’argent, c’est souvent la moitié [de la somme prévue] ou moins.»

Inquiet à l’idée de perdre tout contrôle sur l’épidémie dans un pays où le taux de prévalence du VIH est estimé à 4,2 pour cent de la population, le gouvernement a amorcé depuis quelques mois des programmes de prévention du VIH dans la prison de Brazzaville, a expliqué Cyrille Louya, de l’unité VIH/SIDA du ministère de la Justice et des Droits humains.

Dans un premier temps, a précisé M. Louya, il s’agit de sensibiliser les détenus et le personnel pénitentiaire aux différents modes de transmission du VIH et de la tuberculose.

L’objectif sera ensuite d’identifier progressivement les détenus séropositifs et de leur donner accès à un traitement antirétroviral (ARV).

Pour cela, il faudrait que les prisonniers aient accès au dépistage du VIH, un service que pour l’instant ni l’administration pénitentiaire, ni les hôpitaux, ne leur offrent, mais que ce ministère prévoit de mettre en place au cours des prochains mois.

«L’idéal serait d’arriver dans un proche avenir à ce que tout nouveau prisonnier soit systématiquement [dépisté], ainsi que toute la population carcérale et le personnel pénitentiaire une fois par an», a-t-il expliqué.

[FIN]




 
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