Vers un renforcement du partenariat entre secteur public et secteur privé

SÉNÉGAL: Vers un renforcement du partenariat entre secteur public et secteur privé

DAKAR, 21 octobre 2005 (PLUSNEWS) - Les autorités sénégalaises souhaitent une plus grande concertation sur le sida entre l’Etat, la société civile et les partenaires bilatéraux, une exigence formulée de longue date par les acteurs de la lutte contre l’épidémie.

A l’occasion de la revue à mi-parcours du plan d’action national contre le VIH/SIDA, le premier ministre Macky Sall a proposé de nouvelles règles de fonctionnement entre les organisations impliquées dans la lutte contre le virus, une initiative qui devrait voir le jour “au plus tard” en décembre prochain.

Selon Kathy Cissé Woné, du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS), le Sénégal répond ainsi à une exigence du programme conjoint des Nations unies sur le sida (Onusida), qui, depuis deux ans, demande aux Etats de mettre en place un ‘forum des partenaires’, censé permettre une meilleure concertation entre les acteurs de la lutte.

“Ce forum sera un cadre de concertation élargi à tous les secteurs, notamment la société civile, le secteur privé, les personnes qui vivent avec le VIH/SIDA, les collectivités locales, les syndicats, les leaders communautaires, les politiques… La base sociale est beaucoup plus large que celle du CNLS”, a-t-elle expliqué à PlusNews.

En septembre 2003, les participants à la Conférence internationale sur les infections sexuellement transmissibles et le sida en Afrique (ICASA) de Nairobi, au Kenya, avaient identifié les principes directeurs à suivre par les autorités et leurs partenaires : le forum des partenaires est l’un de ceux-là.

“Nous devons respecter le consensus international des "trois principes" qui recommande, dans un souci de coordination plus forte, une autorité nationale, un cadre d'action unique pour tous les intervenants et un plan de suivi-évaluation commun”, a souligné le Premier ministre sénégalais lundi.

Selon l’Onusida, ce dispositif devrait être appliqué par tous afin d’encourager l’exercice du pouvoir, le partage de l’information et l’harmonisation des procédures, mais aussi pour guider les financements vers les cibles jugées prioritaires par les acteurs de la lutte.

Pour la société civile sénégalaise, qui appelle depuis janvier 2005, à une réflexion commune pour des interventions concrètes et mieux ciblées, ce ‘forum’ est une aubaine.

Un cadre pour une large concertation et des actions concrètes

Ainsi, le président du Conseil sénégalais des organisations de lutte contre le sida, Ibrahima Keita, a dit espérer voir, avec la mise en place de ce forum, la fin des “initiatives isolées, non coordonnées qui affaiblissent la réponse communautaire à l'épidémie”.

M. Keita a proposé de “réfléchir ensemble autour d'un même cadre de références, pour une meilleure lisibilité des différentes interventions, une meilleure articulation des actions dans un processus de décentralisation”.

Un collectif d’organisations de lutte contre le VIH/SIDA s’était alarmé début 2005 d’une possible explosion de l’épidémie au Sénégal, un pays pionnier dans le combat contre le virus en Afrique de l’ouest, si les autorités ne faisaient pas un meilleur usage des millions de dollars mis à leur disposition par les organismes internationaux jusqu’en 2006.

L’Association nationale de lutte contre le sida (ANCS), Enda, Sida Service, Synergie pour l’enfance et Africa Consultance International (ACI), regroupées au sein d’un Observatoire de la réponse au VIH/SIDA, fustigent en effet l’absence de programmes visant les orphelins et les prostituées, les dysfonctionnements en matière de décentralisation des programmes de prévention et de prise en charge ainsi que le manque de centres de dépistage, notamment dans les régions du pays les plus exposées à l’infection au VIH.

L’étude sentinelle menée en 2003 et l’étude de démographie et de santé (EDS), conduite en 2005, ont confirmé une stabilisation de l’épidémie au Sénégal autour d’un pour cent de la population, avec des taux frôlant les trois pour cent dans certaines régions.

Selon le CNLS, l’infection au VIH ne devrait pourtant pas dépasser trois pour cent en 2006 au niveau national, un impératif partagé par les organismes de financement.

Fin avril, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’un des principaux bailleurs de fonds du Sénégal, avait menacé de suspendre son appui à la lutte nationale contre le virus si le CNLS ne lui soumettait pas de nouvelles propositions pour l’utilisation et la gestion des financements.

En juin, le CNLS proposait de partager la coordination de l’action avec la société civile, un mécanisme de décision de plus en plus usité qui évite que les financements et les cibles relèvent de la seule responsabilité des autorités.

Le Fonds mondial, la Banque mondiale, les Etats-Unis, l’Union européenne et la France ont mis 36,5 milliards de francs CFA (74 millions de dollars) à la disposition du CNLS pour lutter contre le VIH/SIDA jusqu’en 2006. Ces fonds doivent permettre d’élargir les domaines d’intervention et la prise en charge des personnes vivant avec le virus.

“Avec l'apparition de nouvelles actions, de nouvelles conditions financières, le moment est venu de renforcer le partenariat entre les secteurs privé et public et de réfléchir à sa pérennisation”, a affirmé le représentant pour le Sénégal du Fonds des Nations unies pour l’enfance, Unicef, Ian Hopwood.

Les agences bilatérales attentives aux populations vulnérables

Pour lui, et nombre d'acteurs de la lutte contre l’épidémie, une approche multisectorielle de la lutte est essentielle pour permettre des actions mieux ciblées et plus efficaces auprès des groupes à hauts risques d’infection.

Ainsi, l’agence américaine de coopération, USAID, a recommandé lundi que “les travailleurs du sexe, les employés des secteurs du transport et de la pêche, les hommes en uniforme, fassent l'objet d'une grande attention” de la part des acteurs de la lutte.

“Le Sénégal a besoin d'un programme avec des interventions très ciblées sur les groupes à hauts risques et les groupes passerelles, afin de maintenir un faible taux de prévalence”, a dit Olivier Carduner, citant les régions de Ziguinchor et de Kolda, dans le sud du pays, où les taux de prévalence sont deux fois plus élevés que la moyenne nationale.

Selon l’étude sentinelle, huit régions sur 12 connaissent des taux d’infection supérieurs ou égaux à deux pour cent. La région de Kolda, dans le sud du pays frontalier avec la Guinée Bissau, est la plus affectée par l’épidémie, avec un taux de prévalence de 2,8 pour cent. A Tambacounda, la grande ville commerciale sur la route du Mali, 2,6 pour cent des femmes enceintes étaient séropositives en 2003 contre 0,8 pour cent un an auparavant.

Pour Daouda Diouf, de l’organisation Enda Santé, peu de programmes ont été initiés dans les régions qui ciblent les orphelins du sida, les travailleurs du sexe, les migrants ou les homosexuels.

Les taux de prévalence parmi les travailleurs du sexe s’établissaient entre 10 et 30 pour cent en 2003. Le niveau d’infection le plus élevé était observé à Ziguinchor, la capitale de la Casamance, à l’extrême sud du pays.

Selon le CNLS, plus de fonds sont nécessaires pour approfondir et améliorer les programmes de prise en charge des personnes vulnérables, notamment les orphelins du sida et les homosexuels, et d’activités génératrices de revenus.

Le nombre d’enfants ayant perdu un ou leur deux parents à cause du sida s’établissait à 18 600 en 2003. Ils seront 40 000 orphelins de moins de 15 ans en 2010, selon les projections de l’étude sentinelle.

“Nous avons besoin de dispositions adéquates afin de mieux [prendre en compte les problèmes] de scolarisation de nos enfants, de prise en charge nutritionnelle des personnes vivant avec le VIH et des orphelins du sida”, a dit le coordinateur du réseau national des personnes vivant avec le VIH/SIDA, Ismaïla Goudiaby, pour qui le forum des partenaires promis par le gouvernement permettra enfin que l’on s’intéresse aux patients.

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