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Dimanche 25 décembre 2005
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SÉNÉGAL: La gratuité des soins, un élément indispensable des programmes de traitement par antirétroviraux


[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]



©  UN

Faute de soins gratuits, beaucoup sont ceux qui ne peuvent avoir accès aux antirétroviraux

DAKAR, 10 décembre (PLUSNEWS) - Bien qu’au Sénégal les médicaments antirétroviraux soient offerts aux personnes qui vivent avec le sida, les associations locales et la communauté scientifique affirment que ce n’est pas suffisant. Faute d’accès gratuit aux examens et aux soins, des personnes infectées continueront de mourir.

Pour le docteur Bernard Taverne, responsable des programmes antirétroviraux de l’Institut français de recherche pour le développement (IRD) à Dakar, le coût des examens de laboratoire, qui déterminent l’accès au traitement, est trop élevé pour les populations locales.

“C’est un obstacle majeur à l’accès aux antirétroviraux,” a dit le docteur Taverne à PlusNews.

Selon une étude de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), le coût des dépenses médicales par patient et par jour est de 5 200 francs CFA (10,5 dollars), dans un pays où 50 pour cent de la population vit avec moins de 600 dollars par an.

“Comme certains patients qui pourraient avoir accès gratuitement aux médicaments ARV ne sont pas en mesure de payer les tests préalables ni les traitements des infections opportunistes, ils en meurent,” a regretté Taverne.

Taverne est co-rédacteurs de la déclaration “Free by five” (gratuité des traitements en 2005) qui sera présentée à Durban et Paris le 13 décembre. Cette initiative milite pour un changement de stratégie vis-à-vis de la prise en charge des personnes infectées.

“La gratuité pour tous d’un ensemble minimum de soins incluant les ARV au sein du système de santé publique est un préalable pour que les programmes de prise en charge médicale changent d’échelle, soient équitables et efficaces et fournissent une prise en charge de qualité,” écrivent ses auteurs.

Cette déclaration s’inspire de la stratégie “Three by five” adoptée en septembre 2003 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et selon laquelle trois millions de personnes originaires des pays du sud devraient être sous traitement d’ici décembre 2005.

Au Sénégal, grâce à l’initiative nationale d’accès aux antirétroviraux (ISAARV) mise en place en 1998, 2 700 personnes reçoivent des traitements gratuits dans un pays qui fait désormais figure d’exemple en matière de politiques de prise en charge des personnes infectées.

Pourtant, l’OMS estime à 12 000 le nombre de personnes qui devraient bénéficier d’un traitement antirétroviral au Sénégal.

“L’absence de prise en charge des examens biologiques est un problème récurrent et majeur dans notre pays,” a dit Seynabou Mbodj, porte-parole de l’ONG Alliance nationale contre le sida (ANCS) à Dakar.

“C’est bien d’avoir des médicaments gratuits mais il faut désormais aller dans le sens d’une prise en charge des bilans pré-traitements et des maladies opportunistes si l’on veut traiter tout le monde,” a t-elle ajouté.

Les infections opportunistes causent la plupart des maladies et des décès parmi les personnes infectées par le virus du sida. Comme le système immunitaire se détériore, l'organisme devient très vulnérable à nombre de virus, champignons ou bactéries qui causent des maladies fréquentes et sévères, comme la tuberculose.

Une politique nationale de lutte précoce et décentralisée

Selon la dernière enquête nationale, menée en 2003 dans 12 sites sentinelles auprès d’échantillons de populations à risque, 93 000 personnes sont infectés par le VIH au Sénégal et plus de 150 000 le seront en 2010, dans un pays où le taux de prévalence, de l’ordre de 1,5 pour cent, est l’un des plus bas d’Afrique.

Pour Taverne, ce succès relatif s’explique par la cohérence et le suivi de la politique menée par les autorités sénégalaises depuis 1985 et la mise en place des premiers programmes de dépistage et de lutte contre le virus.

Le Sénégal abrite 65 centres de conseil et de dépistage anonyme et volontaire du VIH, selon le docteur Ibra Ndoye, secrétaire exécutif du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS), un organisme de surveillance et de coordination de la réponse contre l’épidémie crée en 1986.

“Au Sénégal, où l'on voit depuis plus de vingt ans la présence du sida, on doit tout faire pour ne pas atteindre le taux de prévalence de trois pour cent, pour arriver à traiter 7 000 malades en 2006 et réaliser effectivement le dépistage auprès de 60 000 femmes,” a dit Ndoye.

L’initiative sénégalaise de prise en charge est actuellement en cours de décentralisation dans les 11 régions du pays, notamment dans les villes de Kaolack, de Ziguinchor et de Tambacounda considérées comme les plus à risque en raison de leur proximité avec des pays frontaliers beaucoup plus infectés comme la Guinée, le Mali ou la Guinée-Bissau.

Grâce à des financements du Fonds mondial de lutte contre le sida, de la Banque mondiale, des Etats-Unis, de la France et, plus récemment, du programme Esther (Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau), l’ISAARV a aussi permis la création d’un centre de recherche clinique à Dakar.

Selon le docteur Khadia Sow, qui coordonne Esther au Sénégal, 1,1 million de dollars ont été accordés au gouvernement dans le cadre de ce programme. En juin, la France a versé près de 300 000 dollars aux autorités pour la prise en charge de 450 patients supplémentaires.

Dakar, plaque tournante de la distribution des ARV génériques ?

En outre, la France s’est engagée à délivrer gratuitement une licence en vue de l’installation d'un laboratoire de fabrication de médicaments génériques au Sénégal.

Cette initiative, annoncée le 22 novembre par le ministre français de la Santé et de la Protection sociale, Philippe Douste-Blazy, alors en visite à Dakar, a été favorablement accueillie par le président sénégalais Abdoulaye Wade.

“C’est une chance inouïe dans le contrôle de la qualité des produits pour le Sénégal,” a t-il dit. “La collaboration avec la France, qui a la capacité technique de contrôle dans ce domaine, va permettre à notre pays de pouvoir sélectionner les laboratoires sérieux”.

Pour le docteur George Diouf, infectiologue et membre fondateur de l’ONG Sida Service à Dakar, cette initiative permettra en outre de fournir des médicaments de qualité aux pays ouest-africains ravagés par la pandémie.

“Nous recevons des patients qui viennent de l’ensemble de la sous-région pour se faire soigner,” a t-il dit. “Si l’on veut se battre efficacement contre le virus, il faut commencer à éteindre le feu par son foyer et donner à la région les moyens de son combat.”

Après le Canada, la France est le deuxième pays au monde à mettre en pratique la décision prise par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en août 2003 et qui demandait aux Etats-membres d’approvisionner en médicaments les pays pauvres situés dans des zones endémiques du sida.

Des génériques d'une certaine couleur seront fabriqués au Sénégal de façon à s’assurer que les molécules produites pour des raisons humanitaires “ne se retrouveront pas dans les marchés parallèles, en Europe, en Amérique et ailleurs,” a déclaré le ministre français Douste-Blazy.

Douste-Blazy a en outre précisé que plusieurs molécules sont concernées “afin de garantir la souplesse des dispositions pour les combinaisons de trithérapie”.

Outre la production de médicaments gratuits, la France appuiera les ONG pour la distribution des médicaments et la prise en charge totale des malades.

Douste-Blazy est signataire de l’initiative ‘Free by Five”, parmi lesquels Stephen Ellis, envoyé spécial de Kofi Annan pour le VIH/SIDA en Afrique, Hélène Rossert, vice-présidente du Fonds global de lutte contre le sida, Gorik Goms, directeur de Médecins sans Frontières (MSF) Belgique et Alain Whitreside, professeur à l’Université du KwaZulu-Natal à Durban et directeur de la division sud-africaine de recherche sur l’économie de la santé et le VIH/SIDA (HEARD).

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