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«Quand le médecin a dit que j’étais séropositif, j’ai éclaté de rire»
Mardi 26 avril 2005
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BURUNDI: «Quand le médecin a dit que j’étais séropositif, j’ai éclaté de rire»


[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]



©  Fondation Terre des hommes

Bory incite les plus jeunes à ne pas dissimuler leur statut et à se battre pour leurs droits

BUJUMBURA, 15 avril (PLUSNEWS) - Bory Saint Evrard Mucowintore est né séropositif, mais il ne l’a appris qu’à 17 ans. Depuis, toute son énergie est consacrée à la lutte contre la propagation du VIH/SIDA chez les jeunes.

A 20 ans, Mucowintore est à la tête de l’association nationale des jeunes vivants avec le VIH au Burundi, une association née en décembre dernier et qui compte pour l’instant 25 membres, tous de Bujumbura, la capitale, en attendant de s’étendre aux provinces rurales.

Mucowintore avait 11 ans lorsque ses parents sont morts du sida. Il a alors été confié à sa grand-mère, tout comme ses trois jeunes frères et soeurs. Il est le seul de sa fratrie à être infecté au VIH mais, à l’époque, personne n’a osé lui dire.

“Mes oncles et tantes me disaient toujours de ne pas me fatiguer parce que j’étais fragile et malade, mais sans jamais préciser ma maladie”, se souvient ce jeune homme frêle et de petite taille.

A 15 ans, il commence à développer des infections à répétition et à 17 ans les choses s’aggravent.

“Je ne pesais plus que 28 kilos, je savais que j’étais malade mais je ne comprenais pas ce que j’avais”, raconte Mucowintore.

Convaincu que le seul moyen de contracter le VIH/SIDA est d’avoir des relations sexuelles, l’adolescent inexpérimenté est loin de se douter qu’il est infecté.

Lorsque l’un de ses amis lui propose d’aller faire un test sanguin, il n’hésite donc pas une seconde.

“Quand le médecin m’a dit que j’étais séropositif, j’ai tout simplement éclaté de rire”, se souvient Mucowintore. “Je me suis demandé où il était allé chercher une idée pareille”.

Mais après réflexion il se dit qu’aucun médecin ne pourrait jouer avec la vie d’une personne et il commence à paniquer.

“Mon taux de CD4 était tellement bas qu’il a fallu que je commence tout de suite un traitement antirétroviral (ARV)”, raconte Mucowintore.

Les CD4 permettent d’évaluer la résistance du système immunitaire. En-dessous d’un certain seuil, seuls les ARV permettent à l’organisme de résister au virus.

Depuis l’année dernière, le gouvernement burundais fournit gratuitement des ARV dans le cadre du programme national de prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Selon le Conseil national de la lutte contre le sida au Burundi (CNLS), ces ARV coûtent à l’Etat 40 dollars par mois et par patient.

Il y a encore trois ans, le prix des ARV était inaccessible pour la majorité des patients, dans un pays où plus de deux tiers des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Un coming-out plutôt positif

Avec l’aide d’un journaliste, Mucowintore décide alors de révéler publiquement sa séropositivité et de demander de l’aide.

“Je savais que je prenais des risques mais pour vivre, j’étais prêt à affronter la stigmatisation à l’école ou dans mon entourage”, explique-t-il.

A sa grande surprise, Mucowintore reçoit de nombreuses marques de sympathie, non seulement de ses camarades de classe mais aussi d’anonymes l’ayant vu à la télévision.

“Un homme d’affaires m’a proposé de payer mes médicaments et mes amis à l’école ont organisé une collecte pour que je puisse suivre un régime alimentaire spécial”, raconte-t-il.

C’est à partir de ce moment que la vie de cet adolescent a complètement changé.

“Je me suis demandé combien de jeunes comme moi étaient séropositifs et ne le savaient pas ou le cachaient, au risque de propager le virus”, dit Mucowintore. “J’ai pensé qu’il fallait agir vite”.

Il se lance alors dans une véritable croisade contre l’épidémie, adressant ses messages de sensibilisation aux jeunes via les clubs “Stop sida” dans les établissements scolaires mais aussi à la radio et la télévision, encourageant les jeunes à aller se faire dépister.

“Tant que votre test n’a pas prouvé que vous étiez séronégatif, considérez-vous comme étant infecté”, répète-t-il inlassablement.

Il incite aussi les plus jeunes à ne pas dissimuler leur statut et à se battre pour leurs droits, en ne laissant pas certaines associations les utiliser dans l’unique but d’obtenir l’argent des bailleurs de fonds.

Et au-delà de tout, il exhorte ces jeunes à ne pas “commettre le crime d’infecter les autres”.

Les messages de Mucowintore visent aussi les parents, les encourageant à parler du VIH/SIDA avec leurs enfants et à les informer sur leur statut sérologique.

“De nombreux parents cachent à leurs enfants leur sérologie en même temps qu’ils les obligent à prendre des médicaments tous les jours, comment voulez-vous que ces enfants suivent le traitement de leur plein gré?”, s’interroge Mucowintore.

Selon lui, cacher leur statut aux enfants est extrêmement dangereux, dans la mesure où ils sont sexuellement actifs très jeunes. “Vous imaginez combien de filles j’aurais infectées si j’avais suivi les tendances actuelles et commencé à avoir des relations sexuelles à 15 ans?”

Apprendre aux jeunes à vivre positivement

Les campagnes de sensibilisation de Mucowintore ont amené de nombreux jeunes à réaliser que l’on peut vivre avec le VIH. Cela a aussi permis d’accélérer la création de son association, fondée grâce au soutien financier de la Maison Shalon, une organisation qui prend en charge des orphelins dans la province de Ruyigi à l’est du pays, et qui a fourni un bureau et des équipements.

Selon les membres de l’association, la lutte ne consiste pas seulement à se battre contre la maladie mais aussi contre les idées fausses répandues parmi les jeunes, en répondant à leur besoin d’information.

Grâce à cela, Mucowintore et ses amis espèrent inciter les jeunes à soutenir activement les campagnes en faveur du changement de comportement.

Même s’il paraît fragile, Mucowintore est déterminé à se battre, pour obtenir son diplôme professionnel et pour faire avancer la cause des personnes vivant avec le VIH au Burundi.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) a promis de soutenir financièrement l’association des jeunes, de même que le CNLS, qui a en outre affirmé qu’il allait donner la priorité aux projets associatifs, selon Mucowintore.

Le CNLS prévoyait de fournir des ARV à 5 000 patients en 2004. Mais en février 2005, seules 4 608 personnes recevaient le traitement, dont les femmes enceintes et les enfants, alors que plus de 25 000 personnes en auraient besoin dans ce petit pays de sept millions d’habitants de la région des grands lacs, voisin de la République démocratique du Congo et du Rwanda.

Cette région a été le théâtre de plus d’une décennie de conflits, qui ont utilisé le viol comme arme de guerre et qui ont poussé des centaines de milliers de personnes sur les routes.

Le Burundi affiche un taux de prévalence de six pour cent, selon le rapport 2004 du programme conjoint des Nations Unies sur le sida (Onusida).

Dans le plan stratégique élaboré par le gouvernement pour la période 2002-2006, la lutte contre le sida est devenue partie intégrante de la campagne de lutte contre la pauvreté. Un ministère de la lutte contre le sida, rattaché directement à la présidence, a d’ailleurs été créé.

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