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Lundi 31 octobre 2005
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MALI: Gagner son indépendance pour éviter le rejet


[Cet article ne représente pas le point de vue des Nations Unies]



©  IRIN

La pharmacie, dit-il, lui a rendu sa liberté et sa fierté d’homme

SIKASSO, 15 juin (PLUSNEWS) - Moussa Diakité a changé de métier par la force des choses, et cela l’a sauvé car, dit-il, une personne qui vit avec le VIH/SIDA a toutes les chances d’être rejetée si elle coûte plus d’argent qu’elle n’en rapporte à sa famille.

“Ici, quand vous êtes dépendant, vous êtes mal vu par votre entourage. Or le sida appauvrit”, explique cet homme de 42 ans, qui se sait séropositif depuis six ans. “Les problèmes commencent quand vous ne pouvez pas aider, quand vous n’avez rien à apporter à votre famille sinon des charges supplémentaires.”

Diakité l’a vite compris, et de secouriste il est devenu… pharmacien au Cerkes, le seul centre de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA de Sikasso, une ville carrefour entre le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, située à quelques 400 kilomètres de Bamako, la capitale.

Entre-temps, il crée la seule association des personnes vivant avec le VIH/SIDA de Sikasso, Jigui ou ‘Espoir’ en bambara, la langue en usage dans le sud-est du Mali. Partis à cinq, ils sont désormais 68, participants actifs d’une lutte qui se déroule au grand jour.

“Socialement, j’ai eu chaud ! Mais c’est fini, les gens commencent à comprendre”, affirme-t-il, fier de pouvoir utiliser sa vraie identité, de pouvoir raconter son histoire, de “témoigner à visage découvert”, échecs et réussites mêlés.

Son parcours, dit-il, ressemble à celui de beaucoup d’hommes, fait de “vagabondage, de partenaires multiples et de belles femmes”. “Je ne me suis jamais protégé jusqu’à ce que j’apprenne ma séropositivité, ce n’est qu’après que j’ai fait attention.”

Un premier enfant naît alors qu’il est encore au lycée, il a 24 ans ; la mère, élève elle aussi, a 17 ans et mourra du sida quelques années plus tard.

“Puis j’ai connu d’autres coeurs, j’avais un réseau sexuel de trois ou quatre personnes”, poursuit Diakité, un homme mince, au teint clair et au sourire avenant. “J’ai vécu avec plusieurs filles, dans différentes régions, en suivant mes parents.”

Puis il entre à la Compagnie malienne de développement textile (CMDT), un fleuron national qui commercialise et exporte le coton, le premier revenu d’exportation du Mali, où il travaille la nuit comme secouriste.

“Je tombais malade tout le temps, c’était très fatiguant. En 1999, j’ai commencé à avoir des signes majeurs d’infection : toux, diarrhées chroniques, chutes brutales de poids, dermatoses... Le médecin, avec seulement trois de ces symptômes, a commencé à s’inquiéter”, raconte-t-il.

S’engager pour survivre

Le médecin réfère Diakité au Cerkès, le seul centre intégré de Sikasso qui conseille, dépiste, soigne et soutient les personnes qui vivent avec le VIH. Soutenu par des partenaires étrangers (dont la France) et le gouvernement malien, le Cerkès soigne aujourd’hui 1 038 personnes, dont 172 sous antirétroviraux (ARV), des médicaments qui prolongent l’espérance de vie des patients.

A l’époque, la lutte contre l’épidémie en est à ses balbutiements et l’organisation non-gouvernementale Kénédougou-Solidarité, qui existe depuis 1988, décide d’ouvrir le Cerkès, créé en mai 1998 pour pallier à l’absence de prise en charge des personnes vivant avec le VIH.

“Compte tenu des frontières dont nous sommes entourés, la ville est très exposée”, raconte Awa Coulibaly, animatrice au Cerkès et séropositive elle-même. Elle a été licenciée de son travail après que les premiers symptômes des infections opportunistes sont apparus sur ses bras et son visage.

“Nous qui vivons avec le sida avons besoin de travailler, plus que tout le monde. Pour acheter nos médicaments et assurer notre quotidien, plus difficile, mais aussi pour éviter de peser sur la famille, de tout devoir aux autres”, raconte cette grande et forte femme.

Son rôle est de recevoir les personnes que les structures médicales et hospitalières réfèrent au centre pour les convaincre de se faire dépister et traiter.

Selon le docteur Younoussa Sidibe, la majorité des dépistages est ‘référée’, c’est-à-dire envoyée par des cabinets ou des centres de santé au Cerkès, qui se charge de la prise en charge des patients, autant psychologique, nutritionnelle que médicale.

Le Cerkès est le seul centre complet de prise en charge des personnes vivant avec le virus à Sikasso
Rares sont les personnes qui viennent spontanément pour connaître leur statut sérologique et obtenir, si nécessaire, un traitement, dit le docteur. Pourtant, tout est gratuit au Cerkès, du dépistage aux analyses médicales et tests sanguins, jusqu’aux ARV.

En février dernier, le président malien Amadou Toumani Touré s’est engagé à assurer la gratuité des ARV pour tous ceux vivant avec le virus, une mesure effectivement appliquée par les hôpitaux et les centres privés de prise en charge, ces derniers étant les plus actifs en matière de prise en charge des patients.

Environ 3 000 personnes sont ainsi sous traitement dans un centre privé de prise en charge à Bamako, sur les 4 000 personnes qui bénéficient d’ARV à travers le pays.

“Les gens viennent à la demande des médecins de l’hôpital ou après avoir dépensé tout leur argent avec les tradithérapeutes”, dit Sidibe. “En général, quand ils arrivent ils sont grabataires, épuisés, ils manquent d’information, ne connaissent rien sur la maladie.”

La peur du rejet, principale cause de déni

Selon les animateurs du Cerkès qui, eux, préfèrent garder l’anonymat, “le sida… ce n’est pas facile au Mali”. “Les gens ont peur d’être rejeté, ils se cachent pour prendre leurs ARV, pour recevoir les soins à domicile”, dit l’un d’eux.

“Les gens ici viennent de la brousse, ils sont référés par des confrères et quand on leur dit qu’ils sont séropositifs, ils disent ‘Ah ! Si c’est ça, c’est pas vrai. Et ils partent”, affirme-t-il, expliquant qu’ils ne croient pas en l’existence du VIH.

Pour répondre aux besoins d’information des populations de Sikasso, ainsi qu’aux siens propres, Moussa Diakité devient animateur au Cerkès. A l’époque, en 2000, s’engager dans la lutte contre le VIH est le seul moyen d’obtenir des ARV à prix modérés.

“J’ai accepté d’être animateur pour aider les autres et pouvoir bénéficier du soutien de l’association Kénégougou-Solidarité, grâce à laquelle j’ai pu obtenir des traitements”, explique-t-il.

En 2001, Diakité monte, avec cinq patients du Cerkès, l’association Jigui qui milite en faveur de la reconnaissance des droits des personnes vivant avec le VIH. “Les membres payent 500 francs CFA (moins d’un dollar américain) et peuvent participer à nos activités à vie”, explique cet homme affable.

Il a été le premier séropositif à apparaître sur le petit écran à Sikasso, pour “prouver que c’était vrai. C’était tellement nécessaire”, dit-il.

Sa nouvelle femme, Djeneba, était membre de l’association quand il l’a épousé en troisième noce en 2002.

Séropositive et sous ARV, comme lui, elle a lancé l’activité culinaire de Jigui, qui rassemble tous les vendredis les femmes de l’association. Autour d’un plat commun, supposé équilibré et nutritif, elles abordent les questions qui leur tiennent à coeur, les problèmes quotidiens et leurs réussites.

Autour de Djeneba, les femmes séropositives de Jigui apprennent à bien manger
“La femme a plus de facilités que l’homme pour parler, elle a la langue plus légère, c’est plus facile pour elles que pour nous qui n’osons rien dire dans notre foyer”, affirme Diakité.

Travailler pour exister

Pour réaffirmer un statut social qu’il avait crû perdre avec l’annonce de sa séropositivité, Diakité ouvre, en 2003, une pharmacie au sein du Cerkès. Dans un petit réduit de deux mètres sur deux dont les murs sont recouverts de boîtes de médicaments, il offre traitement et réconfort.

Chaque patient qui consulte au centre de prise en charge reçoit ici, chez Diakité, ses médicaments, principalement ceux qui soignent les infections sexuellement transmissibles et les maladies opportunistes.

Depuis décembre dernier, les ARV sont disponibles à l’hôpital de Sikasso, le seul centre habilité à les délivrer. Le Cerkès reste néanmoins un centre prescripteur de traitement – sauf pour les enfants puisque seuls un hôpital de Bamako peut prescrire des ARV pédiatriques.

Pour pérenniser la gratuité des traitements et assurer ainsi un fonds de caisse en cas de rupture d’approvisionnement, Diakité demande 300 francs CFA (0,55 dollars) par ordonnance. “Celui qui n’a rien ne donne rien, celui qui peut donne plus”, explique le ‘pharmacien’.

“Il faut contribuer un peu pour pérenniser le système, pour que l’on puisse tous continuer à vivre”, ajoute-t-il.

Il gagne 92 dollars par mois, grâce à ce travail qui l’occupe huit heures par jour.

“Diakité nous soutient énormément, cette pharmacie communautaire, ce soutien mutuel, c’est l’image du centre, cela nous aide à ce que notre travail soit reconnu”, lance le docteur Sidibe.

Diakité le reconnaît et s’emploie à amener vers le Cerkès les “gens qui viennent d’ailleurs”, migrants, voyageurs, réfugiés ou déplacés de guerre ayant fui la guerre civile en Côte d’Ivoire, l’un des pays les plus affectés par le VIH en Afrique de l’ouest.

“On veut briser la chaîne de transmission et les gens commencent à le comprendre”, affirme-t-il.

Souriant et détendu, Diakité dit avoir fait “le plus gros du chemin”. En gagnant son indépendance financière et intellectuelle, il s’est émancipé de sa famille, qui le respecte désormais. “Je suis indépendant, je ne demande rien à ma famille et tout va bien.”

[FIN]




 
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